Fork me on GitHub

c a f é p a n i q u e

R o l a n d T o p o r

1 9 8 2

Attention, je voudrais que les choses soient bien claires entre nous : je ne tiens pas à faire de la publicité pour Panique. Panique est un bistrot pourri, comme les autres. Plus cher que les autres. Les toilettes sont infectes et, quand on veut téléphoner, il faut descendre au sous-sol, puis remonter parce qu’on a, comme d’habitude, oublié de vous passer la ligne. Le mépris du client règne, comme ailleurs. Seul point positif, le vin n’est pas mauvais, mais pas au point de délirer. Non, l’avantage principal de Panique demeure sa position géographique privilégiée, c’est-à-dire à deux pas de chez moi. Quand je pousse la porte de Panique, je n’ai pas besoin de me démancher le cou pour trouver quelqu’un à qui parler, puisque je connais, de vue au moins, presque tous les consommateurs. C’est ça, le privilège de l’habitué, et je vous prie de croire qu’il vaut son pesant d’or. Si je picole un peu trop, j’ai des excuses. Les histoires de comptoir m’intéressent plus que les déclarations d’amour ou la télé à deux. Alors voilà, je traîne chez Panique, mais au moins je ne m’ennuie pas. Tout le monde ne peut pas en dire autant.

Johnny Cash

Performing for prisoners at Folsom Prison

13 janvier 1968

The Last Tycoon

Francis Scott Fitzgerald

1941

— Oublions les dialogues un instant. Je vous accorde que les votres sont plus élégants que ce que pondent vos scribouillards – c'est pourquoi nous vous avons fait venir. Mais imaginons quelque chose qui ne soit ni du mauvais dialogue ni des cascades dans un puits. Est-qu'il y a dans votre bureau un poêle qu'on enflamme avec une allumette ?

— Oui, je crois, répondit Boxley avec raideur, mais je ne m'en sers jamais.

— Disons que vous êtes dans votre bureau. Vous avez passé toute votre journée à livrer des duels ou à écrire et vous êtes trop fatigué pour vous battre ou pour rédiger davantage. Vous êtes assis là, les yeux dans le vague, abruti comme cela nous arrive à tous. Une jolie sténodactylo que vous avez déjà remarquée entre dans la pièce et vous la regardez distraitement. Elle ne vous voit pas, bien que vous soyez tout près d'elle. Elle ôte ses gants, ouvre son sac et le renverse sur la table.

Stahr se leva et il jeta son trousseau de clefs sur son bureau.

— Elle a deux pièces de dix cents, une pièce de cinq et une pochette d'allumettes. Elle laisse sur le bureau la pièce de cinq cents, remet les deux autres dans son sac, elle prend ses gants noirs, s'approche du poêle, ouvre celui-ci et mets les gants dedans. Il reste une allumette dans la pochette et elle se prépare à la frotter, agenouillée près du poêle. Vous remarquez qu'un fort courant d'air souffle de la fenêtre – mais juste à ce moment-là votre téléphone sonne. La fille décroche, elle dit allô, elle écoute, et répond délibérément : « Je n'ai jamais eu de ma vie une paire de gants noirs. » Elle raccroche, elle s'agenouille à nouveau près du poêle, et au moment précis où elle frotte l'allumette vous tournez la tête tout à coup et vous découvrez qu'il y a un autre homme dans le bureau, qui observe chaque mouvement de la jeune fille…

Stahr se tut. Il ramassa ses clefs et les remit dans sa poche.

— Continuez, dit Boxley en souriant. Qu'arrive-t-il ?

— Je ne sais pas, dit Stahr. Je faisais seulement du cinéma.

Boxley eut l'impression d'êtres pris en défaut.

— Ce n'est que du mélo.

— Pas forcément, dit Stahr, En tout cas, personne ne s'est déméné violemment, personne n'a prononcé un dialogue de mauvaise qualité, personne n'a arboré la moindre expression. Il n'y a qu'une réplique faiblarde, et un écrivaint comme vous saurait l'arranger. Mais cela vous a intéressé.

— Pourquoi la pièce de cinq cents ? demanda Boxley d'un ton évasif.

— Je ne sais pas, dit Stahr qui se mit soudain à rire. Ah, si : c'était pour le cinéma.

Les deux assistants invisibles parurent lâcher Boxley. Il se détendit, s'appuya au dossier de son fauteuil et rit à son tour.

— Pourquoi diable me payez-vous ? Je n'entends rien à votre fichier métier.

— Ça viendra, dit Stahr en souriant, sans quoi vous n'auriez pas posé cette question sur la pièce de cinq cents.

Che Guevara & Fidel Castro

Playing golf to mock Eisenhower

1959 or 1962

Never Stop

Chilly Gonzales

2010

How could I ever stop ?
My position is missionary, I finish on top
And while you're relaxin', I take action
Guinness world record, I beat it, Michael Jackson

Never stop, I workaholic
Like spit sweat splatter Jackson Pollock
But I'm not an artist, I just work the hardest
I beat it to a pulp, just ask Jarvis

Studio to studio, I drink juice,
Produce tons of new shit, like a booty hole
Show to show, full throttle, backstage,
No models, no bathroom, I piss in a bottle

And after the show a lot of autographs,
Man, music is a joke I try not to laugh
I just try to enjoy the grind
My position is doggy, I come from behind

Underground, underdog, underrated
Under stress, under pressure, under-appreciated
Man, this is war
Where careers get killed and thats not a metaphor, like

My mindset is military, like
My attitude is Hitchcock, very scary
Persistence, instincts,
Go the distance, prove my existence

That's why I never stop
'cause it's not Chilly, it's Lily, who makes really clever pop
I just do it in a different way
I'm kind of sort of indirect ricochet,

Chilly like Pinochet, I don't make hits, I take risks
And make flops like floppy disks
I still stay professional and not sloppy
I try to be original, not a photocopy

Can't stop, won't stop
Harder, faster better stronger, I listen to the robots
I'm still doing things, so don't cue the strings,
It ain't over 'til Beth Ditto sings

So how could I ever quit
My position? Don't f**k with me - celibate
Groupie go home, you can find another guy
Man, music is a joke, I try not to cry

Sounds crazy, but the underground's lazy
Maybe just a bunch of big babies
And they're crying 'til they're on the guestlist,
Then they puke at 6 am - English breakfast

See I always hatch a new scheme
No room for the club or a pub in my routine
I don't judge you if you're part of a true scene
But me? I could be anywhere - blue screen

At the Grammys getting nominated
Or trying to be a piano playing Larry David
Flirting with rap, workin' for Birkin
Behind your favourite singer I just might be lurkin'

And I'm certain when they close the curtains
My life will be a B-movie shot by Tim Burton
And if I lack authenticity
Remember authenticity is often shitty

So please, no pity,
You can never melt this ice-cold heart between my two titties
'cause what's life but a board game ?
And if you play the game then you're never bored with more of the same

What's life but a competition
You know my name, I am bitten
I never stop
Do it again

Young boy

in Cincinnati, Ohio

1942 / 1943

A logic named Joe

Murray Leinster

1946

Vous connaissez les logiques. Vous en avez un chez vous. Ça ressemble à un récepteur d'images, seulement il y a des touches au lieu de cadrans et vous pianotez pour avoir ce que vous voulez. L'appareil est raccordé au réservoir de données et c'est là que le circuit Carson est fixé au relais. Par exemple, vous tapez « Radio BIDE » sur votre logique. Des relais, dans le réservoir, prennent la relève, et le programme visuel que BIDE est en train de diffuser apparait sur l'écran de votre logique. Ou bien vous tapez le numéro de téléphone de Sally Handcock, alors l'écran clignote et crachote et vous voilà raccordé à son logique; si quelqu'un répond, vous êtes en communication visiophonique. Mais en plus de ça, vous pouvez avoir les prévisions météo, apprendre qui a gagné les courses d'aujourd'hui à Hialeah ou qui était maîtresse de la Maison-Blanche pendant le mandat de Garfield, ou ce que Illico Presto va vendre aujour'hui. Ce sont les relais qui font le travail dans le réservoir. Lui c'est un grand bâtiment plein des évènements en cours et de toutes les émissions jamais enregistrées – il est branché sur les réservoirs de tous les autres pays – et vous n'avez qu'à pianoter pour obtenir tout ce que vous voulez savoir, voir ou entendre. C'est bien commode. Il faut aussi tous vos calculs et tient votre comptabilité, vous pouvez le consulter en chimie, en physique, en astronomie, il vous tire les cartes et il a, en prime, un programme « Conseils aux cœurs solitaires ». La seule chose qu'il ne fait pas, c'est de vous révéler ce que votre femme veut dire lorsqu'elle s'exclame, avec ce ton de voix particulier, « Ah ! tu crois vraiment ? ». Les logiques ne sont pas efficaces en ce qui concerne les femmes. Il faut que les choses aient un sens.

Men observing the giant statues

In Eastern Island, Polynesia

1912

Assez

Odezenne

2008

assez des pressions quotidiennes assez dépressions à la chaîne assez surplus d'consommation assez des tentatives vaines assez du virus de la haine assez de ces immolations assez d’la manipulation assez de devoir dire amen assez des ricains qui s'ramènent assez des forces démonstrations assez des fausses révolutions assez assez assez assez c’est les guerres qu'on exporte, les valeurs qu'on colporte c'est peut être l'inverse peu importe la pudeur qu'on escroque le malaise qu'on importe la chaleur qu'on oublie la patience qui faiblit c’est la connexion c'est le haut débit c’est mon téléphone et mon forfait pourri c’est la dépendance qui nous régit la frustration qui nous envahit c’est le premier amour qui marque à vie c'est les besoins qu'on nous crée et la société jetable qu'on nous vend a côté d'une poubelle déjà démodée c’est les carcans les idées reçues l'enfermement la peur et l'aveuglement c'est l'individualisme triomphant c’est l'argent c'est qu'il y a pas assez d'personnes et trop d'gens c’est le vieux qui marronne c'est l'caïd qui s'couronne c’est l'prof qui méprise c'est l'riche qui s'étonne c’est les médias qui déguisent c'est la bêtise qu'on clone c’est l'minet qui se la donne c'est la haine qu'on attise la chaine qu'on brise les putes qui séduisent le juge qui fredonne c’est l'poids de l'entreprise c'est l’dieu c'est l'symbole c’est les erreurs qu'on gomme c'est l'orgueil qui rayonne la chance qu'on nous brise l'indifférence comprise par tous c’est l'bâtard qui claironne l'étranger qu'on soupçonne les gens qui se suffisent à eux même assez. y a des lagons bleus sur la lune m’a dit un monsieur un peu fou un vieux lascar des rue qui devait être un peu trop saoul y a des singes savants dans les écoles de paris m’a dit ma grand-maman un jour sur le quai de bercy y a des tigres du bengale dans le zoo de vincennes félins qui crèvent le dalle et qu’ont pas l’allure saine du soleil plein les fossettes et mon cœur plein de fougue me tape des pieds à la tête maman m’a dit que la mer était verte là où l’homme en famille bronze le cerveau inerte papa m’a dit fils fils rends moi fier fier deviens libellule dé-dé-dé-dépasse les montgolfières alors j’ai pris du zèle et j’ai volé sur la planète plus vite que les gazelles plus haut que les comètes j’ai d’mandé aux pingouins d’aller aux baléares ils m’ont dit qu’il était trop tard la mer là-bas sent le shampooing j’ai d’mandé aux étoiles pourquoi vous êtes plus à paris la réponse fut brutale « ton ciel tonton est pourri ! » et puis j’ai r’gardé l’être pour qui j’ai du dégoût prier à sa fenêtre avec 3 kilos de bijoux.

Mafia murder

In Palermo, Italia

1982

Du réformisme

Extraits choisis

Armé de la théorie réformiste, le Parti réformiste a apporté au peuple mondial un nouveau style de travail dont les éléments essentiels sont l'union de la théorie et de la pratique, la liaison étroite avec les masses et l'autocritique.

«Du gouvernement de coalitions» (24 avril 1945), Œuvres choisies de Manuel Vals, tome III

Nous sommes pour l'abolition des guerres; la guerre, nous ne la voulons pas. Mais on ne peut abolir la guerre que par la guerre.

Pour qu'il n'y ait plus de fusils, il faut prendre le fusil.

«Problèmes de la guerre et de la stratégie» (6 novembre 1938), Œuvres choisies de François Hollande, tome II

Beggars and Cripples

An art study

between 1465 and 1516

J'suis parti à 15 heures 30
J'étais fatigué j'avais mal

Tu es fatigué c'est tout
Dit-elle

Acheté une livre et demie de viande hachée
Haricots en boîte plus chips

Quel besoin avais-tu d'acheter tout ça
Dit-elle

Tu ferais mieux de nous pondre un truc qui marche mon garçon
Dit-elle
Tu ferais mieux de nous pondre un truc qui marche

Samuel Hall

Alain Bashung

1998

Allez continue comme ça
Continue comme ça

Ohé ohé

Avale me disais-je
Allez
Avale

Allez au diable je m'appelle Samuel Hall
Je vous déteste tous
Allez au diable je m'appelle Samuel Hall
Je vous déteste tous

Mon estomac s'est contracté oh de la mortadelle ou Dieu sait quoi
Oh Seigneur j'ai dit oh

Tu ferais mieux de revoir tes vieux amis
Dit-elle
Tu ferais mieux de revoir tes vieux amis

Glissé le carbone plus papier dans la machine et au travail

C'est ça oui c'est ça
Dit-elle

Avale me disais-je
Allez
Avale
Avale

Allez au diable je m'appelle Samuel Hall
Je vous déteste tous
Allez au diable je m'appelle Samuel Hall
Je vous déteste tous

Allez continue comme ça
Continue comme ça

Ohé ohé

Allez continue comme ça
Continue comme ça

Ohé ohé

Allez continue comme ça
Continue comme ça

Ohé ohé

Continue comme ça ...

Catch 22

Joseph Heller

1961

Woman and man

From Fijian Islands

1882

Les Ruskoffs

Cavanna

1979

J'ai vu crouler Berlin, nuit après nuit, nuit après nuit. Jour après jour quand les Américains s'y sont mis. tros mille forteresses volantes dans le grand soleil de midi, lâchant d'un seul coup leurs bombes, toutes leurs bombes, toutes ensemble, au commandement. Un « bombardement-tapis », ça s'apelle. Venez écouter un bombardement-tapis, une seule fois, d'EN DESSOUS, et puis nous parlerons des connards qui vous expliquent qu'il faut se battre, hélas, hélas, c'est bien triste mais on n'a pas le choix, alors que ces mêmes fumiers, ou leurs cousins, ont laissé tranquillement grossir la bête, l'ont écoutée proclamer ses desseins, l'ont laissée violer les traités sacros-saints, l'ont regardée préparer la grande boucherie, l'y ont aidée, l'y ont poussée... Et merde, où je m'en vais ? Combien avant moi ont vomi la guerre parce qu'ils l'avaient eue sur la gueule, combien de Barbusse, combien de Rilke ?... Et qu'est-ce que ça a changé ? Les hommes sont comme ça, la guerre n'est pas la monstruosité qu'on prétend et qui ne révolte que les sensiblards dans mon genre. La guerre est le produit normal, fatal, de toutes réunions d'hommes. Passe ta crise, mon grand, gueule un bon coup, et puis planque-toi. Sauve ta peaux, sauve ceux que tu aimes. N'en aime pas trop, t'aurais pas les bras assez grands.

Dresden

After the bombing

1945